DRAGONES/DRAGONS

DRAGONES

Hace un tiempo tuve la ocasión de conocer a un familiar de un conocido mío, al que éste rendía visita regularmente para hacerle compañía durante unas horas dado que, a su avanzada edad, había dejado ya por el camino a la mayoría de sus compañeros de viaje.

Se trataba de un pequeño anciano amarillento, en una pequeña habitación amarillenta a la que, como en todos los demás aspectos de su vida, se había retirado, dejando el resto de la casa y de su existencia silencioso, vacío y a oscuras, limitando su mundo al halo incierto que una lámpara de pie arrojaba sobre él y su mecedora.

Durante el rato que permanecimos allí me enteré, más por la cháchara de mi amigo, quien intentaba mantener una conversación que llenara la habitación en penumbra, que por el introspecto anciano, de que tras finalizar sus estudios de contabilidad había sido oficinista, prestando servicios durante cuarenta años en la misma empresa ante la misma mesa, con cuarenta compañeros más y sus respectivas mesas, de los que, llegada la jubilación hacía algunos años, nada había vuelto a saber.

Se casó a la edad conveniente con la mujer conveniente, la cual compartía con él ciertas inquietudes literarias que nunca atinaron a despuntar entre aquellos escasos aspectos de su vida que pasaron de la mera concepción a la realización, y un más que moderado sentimiento religioso que acaso llenase en ellos el vacío al que Dios, en su mapa de caminos insondables, los había conducido al no bendecirlos con un hijo.

Ella había ido a pedir cuentas al Altísimo hacía algunos años, y el anciano, solo excepto por las visitas de familiares lejanos que cada vez se prodigaban menos, había ido apagando las luces y cerrando las habitaciones de su vida mientras se dirigía a la misma estación, y esperaba allí, en su asiento de terciopelo gastado, a que llegase su turno.

En el único momento en que la vida asomó con fuerza a los ojos del anciano fue cuando mi amigo sacó a relucir su temprana afición por el dibujo, allá por su adolescencia. Ante la insistencia de su familiar, pero no sin reticencia, en lo que presumí debía ser tácito ritual en sus visitas, el hombre sacó los brazos de bajo la mesa, donde un brasero mantenía alejado el frío físico de aquel diciembre, y extrajo de entre su mecedora y la pared un enorme cartapacio que, por lo descolorido y lo ajado de las cintas que lo ataban, ya debía servirle de joven para guardar sus obras.

Poco a poco sus mejillas tomaron algo de color y su voz se hizo más audible y menos áspera mientras, con unas manos tan apergaminadas como los folios y cuartillas que nos mostraba, fue enseñándonos unas dos docenas de dibujos a tinta cuya bella factura no pude dejar de apreciar, siquiera fuese desde mi relativa ignorancia en cuestiones artísticas.

Los temas eran diversos. Paisajes, naturalezas muertas, animales, algunos retratos, entre los cuales destacaba uno especialmente hermoso de una muchacha, algo emborronado y a medio terminar.

Pero mientras nos iba mostrando uno a uno aquellos ecos del pasado, mi atención quedó totalmente atrapada por un dibujo que no dormía los años en aquella carpeta, sino que se hallaba colgado en un sencillo marco a pocos centímetros de la cabeza del anciano, de modo que con solo alzar la vista en los escasos momentos en que no dormitaba, podía posar los ojos en el mismo.

Representaba aquel dibujo la cabeza, las alas y la pata derecha de un fiero dragón encaramado a un risco, adelantada esta última como si se dispusiera a escapar de su prisión de celulosa y quedando el resto de su cuerpo apenas esbozado.

Me resultó curioso que de todos los dibujos realizados en su temprana juventud, de todos los supervivientes que lo acompañaban en aquellos días postreros, hubiera elegido justo aquel como el más cercano, como el que le acompañaría en su retirada, y me dio por pensar que, durante aquellos cuarenta años de monotonía, acaso su cuerpo estuviera ante su mesa, y su cerebro echando cuentas, pero su espíritu de seguro volaba libre, y todavía lo hacía.

Y aquel fiero dragón, aquel esbozo de tinta que miraba con ojos llameantes desde su risco y a través de la penumbra, parecía decir con un eco cavernoso: “Mortales, si alguna vez os habitaron, no dejéis morir a vuestros dragones”.

 

DRAGONS

Il y a quelque temps j’ai eu l’occasion d’accompagner un de mes amis proches lorsqu’il visitait un parent à qui il rendait visite régulièrement pour lui tenir compagnie pendant quelques heures puisque, à son grand âge, il avait laissé sur le chemin la plupart de ses compagnons de voyage.

C’était un petit vieillard à la peau jaunie, dans une petite pièce aux murs jaunis où il s’était tapi, comme par ailleurs il l’avait fait pour tous les autres aspects de son existence, en laissant le reste de sa maison et de sa vie vides, dans l’obscurité et le silence, tout son monde limité au halo qu’une lampe de pied projetait sur lui et sa berceuse.

Pendant notre visite, j’ai appris grâce au bavardage de mon ami, lequel essayait de tenir une conversation afin de remplir la pièce en pénombre, plutôt que par les rares mots prononcés par ce vieux au caractère renfermé, qu’après la fin de ses études en comptabilité il avait travaillé dans le même bureau pendant quarante ans, devant la même table, avec quarante autres employés, chacun devant sa propre table, et desquels il n’avait plus rien su après sa retraite, quelques années auparavant.

Il s’était marié à un âge correct avec une femme correcte, avec qui il partageait un goût pour la littérature qui n’a pas su aboutir à rien, tout comme tant d’autres penchants qui ne sont pas passés de la conception à la réalisation, et un sentiment religieux plus que modéré qui probablement venait remplir en eux le vide où le Bon Dieu, dans sa carte de chemins insondables, les avait égarés en se refusant de les bénir avec un enfant.

Elle était partie depuis quelques années demander des comptes au Créateur, et le vieux, seul à l’exception des visites chaque fois plus éparses de quelques parents lointains, avait éteint et fermé toutes les chambres de sa vie tout en se dirigeant vers la même gare, où il attendait son tour sur son siège au velours usé.

Ce fut seulement quand mon ami évoqua un précoce goût pour le dessin dans son adolescence que je vis s’animer les yeux du vieux. Pressé par son proche, mais non sans réticence, en ce qui me sembla être un rituel tacite lors de ses rencontres, l’homme extirpa ses bras de sous la table où un petit chauffage électrique éloignait le froid de ce décembre glacial de ses maigres chairs, et sortit un énorme cartable jusqu’alors caché entre lui et le mur et dont très probablement il devait se servir déjà  quand il était jeune, à en juger par ses couleurs usées et les rubans élimés qui le fermaient.

Petit à petit, ses joues ont repris des couleurs et sa voix est devenue audible et moins âpre tandis que, de ses mains aussi parcheminées que les feuilles et feuillets qu’il nous montrait, il nous a fait voir une paire de douzaines de dessins à l’encre d’une très belle facture que je ne pus m’empêcher d’admirer, malgré mon ignorance en matière d’art.

Les sujets étaient divers. Des paysages, des natures mortes, des animaux, quelques portraits, parmi lesquels un particulièrement beau, un peu délavé et juste à moitié fini, représentant le visage  d’une jeune fille.

Mais pendant qu’il nous montrait un par un ces échos du passé, mon attention fut complètement absorbée par la contemplation d’un dessin qui ne dormait pas depuis des années dans ce cartable, mais qui trônait  accroché au mur dans un cadre modeste à quelques centimètres de la tête du vieux, de telle façon qu’il pouvait le contempler aisément juste en levant les yeux, dans ces rares moments où il ne somnolait pas.

Il représentait la tête, les ailes et la patte avant droite d’un dragon féroce perché sur un rocher, lequel semblait prêt à sauter hors de sa prison de cellulose, et dont le reste du corps était à peine esquissé.

Il m ‘a semblé bizarre que d’entre tous ces dessins de sa jeunesse, d’entre tous ces survivants qui l’accompagnaient dans ses derniers jours, il eut choisi celui-là pour l’avoir à sa portée, pour l’accompagner dans sa retraite, et il m’est venu à l’esprit que, pendant ces quarante ans de monotonie, peut-être son corps était ancré à sa table, et son cerveau faisait des comptes, mais son esprit surement volait libre, et il volait toujours.

Et ce dragon féroce, cette ébauche à l’encre qui nous regardait de ses yeux flambants du haut de son rocher à travers la pièce sombre, semblait nous dire d’une voix caverneuse : « Mortels, si jamais ils vous ont habité, ne laissez pas mourir vos dragons ».